11 août 2012

Roméo et Moi

Cet été j’ai enfourché ma bécane. Contrairement aux dernières années, j’ai beaucoup roulé. Ma fidèle monture se nomme Roméo, en l’honneur de Roméo Morin que j’ai rencontré en 1976, sur la rue Sherbrooke, en face du stade, pendant les JO. J’ai passé mon enfance, ma jeunesse et une bonne partie de ma vie d'adulte sur deux roues. Je reprends du service.

Je ne suis pas un cycliste, je fais des balades, je « tourisme » en pédalant, je me déplace en compagnie de Roméo, je « paysage » sur ma selle, j’observe sans aller trop vite. Je roule la nuit dans mon patelin ou à Montréal, rarement sur les pistes cyclables, il y a trop de cyclistes, des malades qui jouent aux sportifs, des mobylettes, des planches qui zigzaguent, des chaises électriques… etc. En campagne, les cyclistes me dépassent, ils roulent en groupe sur des formules 1 qui font « zzzzzzzz ». Au petit matin, dans mon bidon c’est du café qu’il y a plutôt que du Gatorade, j’écoute parfois la radio, car les paysages pittoresques, on s’en lasse à la longue. Paraît qu’à Montréal on octroie des contraventions à ceux qui ont des écouteurs. À Montréal on veut votre bien ($).

Par contre, je peux rouler longtemps, m’arrêter longtemps aussi. J’accumule les km, mais la vitesse moyenne est faible (rire). Ainsi, j’admire les « Blais Pédale Blais » qui explorent la planète sur leur bécane. Je roule parfois avec d’autres, ma fille, mon gendre, la belle mère de ma fille ou mon fils sauf qu’ils roulent tous trop vite pour moi, ils ne s’arrêtent pas pour lire, dormir ou prendre un café. Quand je les rejoins, je leur raconte mon parcours, comme s’ils n’avaient pas emprunté le même que moi!

Finalement, je suis un promeneur solitaire, je m’entends assez bien avec moi-même.

En fin de semaine passée, à St-Hyacinthe, j’empruntais un carrefour giratoire. Il ne s’agit pas d’un vrai rondpoint, il fut dessiné avant qu’on les importe au Québec. Ce carrefour est sous le niveau du sol et au sommet d’une des falaises, il y a toujours plusieurs vieux d’installés là, contre la clôture de broche. Ils observent le va-et-vient des voitures, des piétons et des cyclistes. Je m’arrête à chaque fois, je lève la tête, prends une gorgée d’eau et salue les vieux. Les plus éveillés retournent mon salut. Les vieux ne changent pas. Enfin, on les remplace continuellement, mais les recrues ressemblent beaucoup à ceux qu’ils remplacent. Appuyés sur leur marchette ou assis dans leur chaise roulante, ils s’installent là, dans le fond de la cour dès qu’il fait beau. Quand je serai vieux comme eux, j’espère que je pourrai profiter d’une vue semblable.

Il y a quelques semaines, en revenant de St-Ours mon pneu éclate, rien à faire avec ça. Ma fille et son conjoint sont loin devant. Comment les avertir? Bof, je m’installe sur le bord du chemin et lève le pouce. Cinq minutes plus tard, une camionnette s’arrête, on attache mon vélo sur son porte-vélo et le bonhomme demande à sa famille de me faire de la place. C’était le proprio d’une boutique vélo à St-Denis-sur-Richelieu, l'instigateur d’un projet de piste cyclable qui longerait le Richelieu dans son entièreté, un homme féru d’histoire. Nous échangeons, il me parle des vignobles qui étaient nombreux au XIXème siècle dans la région. Nous dépassons ma fille et mon gendre sans leur faire signe, il me descend à St-Charles, près de ma voiture et me dit : « faites croire à vos enfants que vous avez roulé plus vite qu’eux, à travers les champs, et quand vous aurez besoin d’un graissage, venez à ma boutique ». Ce fut une chouette balade.

C’est ainsi que j’ai passé mon été, un été trop chaud. J’ai aussi plongé dans la piscine, j’ai bossé le reste du temps. Je serai en vacance bientôt, quand il fera moins chaud, quand vous irez voter, quand les carrés rouges reprendront du service. Je ne verrai pas ça, je serai ailleurs, sans ma bécane. Je ne m'informerai probablement même pas du résultat du scrutin.

Grand-Langue

19 commentaires:

  1. S-A-V-O-U-R-E-U-X billet... Vous me donnez le goût de ressortir ma bécane, enfin celle qui m'a été donnée par une auteure que j'affectionne particulièrement. Vous avez votre Roméo? Moi, j'ai ma Juliette!

    Il y a de véritables perles dans votre texte, je vous les emprunterai, c'est sûr.

    Vous n'irez pas voter par anticipation? Allez, faites un effort, après vous pourrez partir en vacances en ayant l'esprit ailleurs et la conscience tranquille!

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    1. Si vous sortez votre bécane, je m'invite pour une randonnée avec toi.

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  2. Zoreilles,

    Roméo n'est plus très jeune. Nous avons roulé en Europe, aux USA, ailleurs au Canada. On ne fabrique plus de vélo avec des roues de cette grandeur, depuis 15 ans. Je peux encore trouver des pneus mais pas n'importe où. J'ai voulu changer mes roues pour une grandeur standard mais il aurait fallu remplacer le système de freinage et souder de nouveaux blocs d'acier (chrome molybdène). De plus je voulais remplacer la cassette, les plateaux... finalement, j'en achèterai un neuf. Après 31 ans de loyaux services, Roméo aura droit à une retraite partielle, je le conserverai pour mes sorties nocturnes, mes promenades à Montréal ou à l'épicerie. La peinture étant quelque peu usée, on ne le volera pas. À l'image de la société, les gens n'achètent pas des vélos mais plutôt de la peinture (une image). Un excellent vélo dont la peinture est défraîchie n'attire pas les voleurs.

    J'y pense, je devrai trouver un nom pour le p'tit nouveau.

    Voter? Pour la première fois de ma vie je ne voterai pas. Sur ma carte d'électeur on spécifie à quelles dates je pourrais voter par anticipation, je serai déjà parti!

    Pierre Duschênes sera élu ici. C'est le gars de Radio-Can qui remplace Curzi, celui qui voulait prendre la place de Marois et qui avait démissionné en prétextant un manque de "démocratie' dans l'entourage de Marois (amphithéâtre de Québec). Quand les sondages s'étaient montrés plus généreux, Curzi avait tenté un rapprochement avec Marois qui avait refusé de lui promettre un poste de ministre (rire).

    Que c'est drôle... et triste à la fois! Je me demande encore pour qui je voterais, peut-être pour Aussan.

    Grand-Langue

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    1. J'ai un petit atelier de vélo depuis depuis 1974.
      J'ai encore les roues pour toi ainsi que les pneus.
      Si cela t'intéresse!
      Le mien est un 1978, en excellente forme.

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    2. Factotum,

      Merci pour l'offre. Mes roues, bien qu'il ne s'agisse pas des origiales, sont en bonnes condition et je me suis procuré un pneu neuf (sans avoir le choix du modèle). Je crois qu'il sera toujours possible d'obtenir ces pneus mais dans un p'tit bled, ce sera un risque inutile.

      Quel vélo avez-vous? Un vélo de type cyclotourisme? Mon premier vélo d'adulte fut un Garlati, acheté chez Quilicot probablement vers 1972, je l'avais payé 110$, toute une somme à l'époque, pour un jeune garçon.

      Ensuite je me suis acheté un Mikado Gaspé, ça c'est Roméo. Tout un vélo! Le cadre ressemble drôlement à ce qui se fait de mieux aujourd'hui. La roue arrière comportait 48 rayons. Aujourd'hui, les roues de ce type de vélo ont 36 rayons. Les jantes sont meilleures cependant, les cassettes jouissent d'une plage augmentée.

      Grand-Langue

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    3. J'ai un C.C.M. cyclotourisme. J'ai aussi un tandem C.C.M. 1964 que j'utilise avec ma douce. Toujours en très bonne condition.
      J'ai vendu les modèles MIKADO quelques années. Je connais bien.

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  3. "je leur raconte mon parcours, comme s’ils n’avaient pas emprunté le même que moi!" : mais peut-être as-tu vu des choses que eux n'ont pas vues ?

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    1. Oui, enfin, je le crois. À chaque vitesse notre perspective change, on voit différentes choses.

      Grand-Langue

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  4. À Tadoussac, j'ai discuté avec un type de Fermont qui descendait à Montréal pour faire l'acquisition d'un vélo de $4000. Celui qu'il avait déjà ($1800) ne répondait plus à ses attentes. J'ai essayé son "vieux" vélo et c'est vrai qu'il est très léger, mais je n'arrive pas à comprendre qu'on paie si cher pour un vélo. Le mien m'a coûté $250 en 1988 et je suis très satisfait. C'est vrai qu'il est un peu lourd, mais ces quelques livres de plus ne sont pas très importantes pour moi, puisque je ne vise pas la performance sportive, juste visiter tranquillement la région, un peu comme vous.

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  5. 4000$ (6000$ avant impôt!), c'est beaucoup d'argent pour une bécane. Je sais qu'il se vend des cadres à 10,000$, C'est à la mode chez les consommateurs sportifs. J'ai vu des gens rouler dans des nids de poule avec de tels machines. Quand on possède un tel vélo, faut pas enlever son cul de la selle autrement on se le fait piquer! À moins d'investir dans un cadenas en "U" et un câble qui ajouteront 5 kg au vélo... et encore!

    La pratique du vélo peut être économique mais elle peut aussi coûter très cher. Des lunettes à 300$, un casque à 250$, des souliers à 300$, des vêtements pour 400$, un odomètre (GPS) à 450$, un support à vélo pour la voiture (100$ à 600$) sans parler des pneus "increvables" et autres gadgets... c'est sans limite. On est loin de ma "patch" de cuir dans le fond de culotte.

    Mon Mikado Gaspé, je l'avais payé 450$. 30 ans plus tard, l'équivalent se vend environ 900$, je m'attends à payer cette somme. Nous ne parlons pas de performance mais de solidité, un vélo en acier fait pour supporter des sacoches et capable de grimper les côtes sans se défoncer.

    Ce sera mon dernier vélo. Qui sait, si j'ai encore mes jambes, je pourrais concrétiser certains rêves quand j'arrêterai de bosser (si ça survient). Ce que j'aime, c'est de me rendre dans une région et la visiter sur ma bécane.

    Grand-Langue

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    1. Je conseille toujours à mes clients de ne pas dépasser les 450,00$ pour un vélo de route ou hybride s'ils ne font pas au minimum 2000 km. durant la saison estivale.
      Si vous allez à 900.00 $, vous aurez un excellent vélo qui durera toute votre retraite.

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  6. Nous pourrions dire la même chose des voitures, inutile de payer plus de 18,000$ mais voilà, chacun a ses goûts, ses priorités. C'est sans fin.

    Grand-Langue

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  7. Lise pas de blogue13 août 2012 à 16 h 47

    Grand-Langue,

    que vous êtes un promeneur solitaire je le sais depuis longtemps, votre identité précédente le disait si bien! Mais si vous avez les rêveries de Jean-Jacques Rousseau, et leur profondeur, vous n'avez pas abandonné vos enfants à la charité publique, contrairement à lui. Autres temps, autres moeurs.

    Le vélo, j'aimerais tellement m'y déplacer à Montréal plutôt que d'être esclave de notre insignifiant (et surpeuplé) système de transport en commun. Nous sommes du bétail payant, ni plus ni moins. Alors quand je peux je préfére marcher.

    Face à l'impatience des automobilistes, être piétonne, en marchant vite pour traverser la rue lorsque c'est mon tour (maudits piétons, BIP! BIP!) et être cycliste (qui ont le courage d'affronter même les autobus), inutile de dire que je suis extra prudente.

    Pour les élections, j'ai décidé d'annuler mon vote, ce qui vaut mieux que de ne pas aller voter. Pour moi annuler veut dire qu'ils sont tous les mêmes avec leurs fausses promesses...

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  8. Lise,

    Je n'ai pas abandonné mais enfants à la charité publique, ni au CEPEG du Vieux-Montréal...

    Bien vrai, annuler son vote c'est s'exprimer.

    Grand-Langue

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  9. j'ai bcp aimé lire ce texte (et pourtant le bote au lieu de faire du vélo).

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  10. Grand-Langue,

    J'ai lu votre billet avec délice et sourire... Merci de nous avoir partagé si chaleureusement votre été avec ce cher Roméo!

    Bonne soirée,

    Carina

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  11. Plus de deux mois sans billet de vous... C'est la première fois que ça vous arrive depuis que je vous lis. Vos vacances ont dû vous ressourcer énormément, peut-être même au point de remettre en question votre présence sur votre blogue, ça se pourrait, j'y pense moi-même à chaque fois que je m'éloigne un peu du mien.

    Parmi les blogueurs(euses) qui étaient là avant moi ou qui ont commencé à la même période que moi, ceux et celles que j'appelais « mes piliers », la plupart ont abandonné ce réseau social et quoique je suis à même de les comprendre, à chaque fois j'ai l'impression de perdre de vue un vieil ami qui m'est cher. Parce que lire quelqu'un régulièrement, c'est s'abandonner à ses mots dans une sorte d'amitié bienfaisante et respectueuse, et même si on ne se connaît pas, on finir par se connaître quand même par l'essentiel.

    Tout ça pour dire que vous me manquez, vous et vos billets, à moi et à bien d'autres, j'en suis certaine.

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  12. Zoreilles,

    Toujours là! J'ai écris quelques billets sans les publier, ils m'ont paru peu intéressants.

    Vacances, voyages, mortalité (malheureusement), boulot débile... divers prétextes pour ne pas être à la maison, pour ne pas écrire.

    Nous sommes toujours ensembles. Ne faisons pas d'un silence une démission, cette dernière n'étant pas une option, ni pour vous, ni pour moi.

    J'ai visité plusieurs d'entre vous, je pensais écrire un peu d'ailleurs, nos pensées se croisent, plus souvent qu'on ne le croit.

    Grand-Langue

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