11 avril 2016

L'Homme et ses Potins

Est-ce malvenu d’écrire que la disparition de Jean Lapierre des ondes ne me manque pas? On le sait, l’homme est mort dans des circonstances tragiques particulières. On ne souhaite cela à personne, cela va sans dire.

Une période de silence devait être respectée, c’est fait. Aujourd’hui je l’affirme, je préférais à peu près tous les analystes politiques qui remplaçaient Lapierre lors de ses vacances que l’homme en question.

Lapierre, celui qui mangeait à tous les râteliers parlait rarement de politique, il rapportait et commentait les potins, les rumeurs, les sondages. C’était l’Édouard Rémi de la politique. Il était au courant des magouilles, des alliances politiques et des stratégies électorales mais il parlait peu de la société, des politiques véritables pouvant influer le quotidien des gens.

Il s’intéressait aux pourcentages de votes qu’un candidat pouvait obtenir mais ces interventions ne traitaient jamais des idées sociales ou politiques, du fond des choses, de l’histoire, de ce qui se passait ailleurs. En suivant Lapierre on était informé des jeux de coulisses mais le Monde se limitait à Québec et Ottawa.

Les journaux, les stations de radio et de télé aimaient recevoir l’homme qui maitrisait le sens du spectacle, qui faisait grimper les cotes d’écoute en faisant usage d’un langage coloré. Il était aussi utile aux politiciens avides d’informations pouvant leur servir lors d’élections. Mais si vous vouliez connaître le pourquoi du pourquoi, il fallait écouter ou lire des gens plus sérieux, des gens dont le contenu primait sur le divertissement. En ce sens, Chantal Hébert et lui-même formait un couple troublant, des contraires, pas des compléments.

Il me faisait souvent sourire, je l’avoue, il maniait bien la langue, il travaillait beaucoup mais cela ne rend pas un homme aussi marquant pour une société, comme les médias ont voulu nous le faire croire.

Grand-Langue

11 commentaires:

  1. C'est une vision qui me paraît assez juste du personnage. D'ailleurs, si je l'aimais bien à la radio, je l'ai moins aimé quand il est redevenu politicien en 2004. Lapierre était surtout un habile commentateur de la joute politique, il comprenait bien les techniques et jeux de coulisse qui permettent de canaliser l'opinion publique et très peu de politiciens arrivent à s'élever au-dessus de ces magouilles pour faire avancer leurs idées dans l'intérêt de la population.

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  2. Je suis tellement d'accord avec ce que vous dites et je ne crois pas que quelqu'un des médias traditionnels puisse jamais s'exprimer aussi franchement un jour. Les blogues demeurent donc des tribunes libres qui méritent leur place plus que jamais dans notre société. Vous aurez été le premier (à ma connaissance) à exprimer ce que plusieurs pensent!

    Jean Lapierre était un fier Madelinot comme tous les membres de sa famille qui ont péri dans cet écrasement d'avion à Havre-aux-Maisons (tout près de chez plusieurs membres de ma famille, je connais l'endroit comme le fond de ma poche). Et si vous saviez comme j'aime les Madelinots... Si j'écoutais Lapierre avec intérêt et plaisir renouvelé, c'était surtout pour son accent particulier, sa parlure colorée, ses expressions imagées (entendues depuis toujours en abondance dans ma famille!...) et que j'ai toujours pris au sérieux beaucoup plus Chantal Hébert que Jean Lapierre qui était son contraire.

    Mais reconnaissons quand même qu'il a su intéresser des gens à la politique (aux coulisses, aux magouilles, etc.) parce qu'il avait su se rendre attachant et amusant et on lui offrait une place régulière dans plusieurs émissions parce qu'il faisait monter les cotes d'écoute!

    Il aura été un personnage marquant surtout pour son attachement à ses très chères Îles de la Madeleine et pour sa facilité à faire partager sa passion et son enthousiasme pour tout ce qu'il aimait lui-même. Je retiendrai, pour ma part, qu'il était un grand communicateur mais pas un véritable analyste ni un grand politicologue.

    Les Madelinots étaient fiers de Jean Lapierre parce qu'il parlait d'eux tout le temps d'une extraordinaire façon. Il y avait longtemps que Tourisme Îles de la Madeleine l'avait qualifié d'ambassadeur et c'est ce qu'il était vraiment très sincèrement.

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  3. Zoreilles,

    Je pense que plusieurs politiciens sont honnêtes et parlent franchement mais ça peut se faire sans ostentation, tout le monde n'a pas le sens du spectacle. Pour savoir si Lapierre parlait franchement en tant que politicien, il faut se rapporter à l'époque où il était actif en tant que tel.

    Par contre, une fois devenu commentateur, il a su se démarquer en mettant ses origines et sa "parlure" à l'avant scène. Il faisait rire, il savait dénicher les stratégies, les objectifs politiques de chacun.

    Je ne connais pas l'homme personnellement, je me demandais souvent s'il se référait aux Îles et s'y identifiait pour les bonnes raisons. J'ai souvent eu l'impression qu'il était d'avantage un gars de l'Estrie. Il habitait Outremont depuis un bon bout de temps, travail oblige.


    Pierre,

    Bien vrai, trop peu de personnages publics savent ou peuvent s'élever au dessus de la mêlée, surtout en cette ère où les médias sociaux, les caméras, les humoristes et les critiques sont omniprésents.

    Grand-Langue

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  4. Je ne connais pas l'homme qui est mort... Par ici les journalistes sont de la même veine : ils jouent avec les mots et font des scoops avec rien. Je pense qu''ils méprisent profondément les gens du peuple...
    Godelieve

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  5. Il m'apparaît, à la lecture de votre intéressant article, que nous avons en France quelques "Jean Lapierre" qui valent le vôtre...Des hâbleurs qui misent tout sur leur maîtrise de la langue et des bons mots, et ont en réalité un discours creux et sans réel sens de l'analyse.
    Mais n'est-ce pas un travers de notre époque que d'accorder davantage de crédit à la forme qu'au fond ?
    ¸¸.•*¨*• ☆

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  6. Célestine,

    Le Jean Lapierre en question était un personnage particulier, unique, habile et original quand il se cantonnait dans le domaine des communications, celui de la "politique spectacle". Il était de tous les congrès, de toutes les réunions, passait son temps dans les corridors et au téléphone, il était en contact avec tous et faisait rapport aux auditeurs, leur donnant l'impression d'être leur allié ou leur représentant, ce qui était illusoire bien sûr. Les politiciens aguerris savaient d'ailleurs se servir de lui en échange de quelques confidences. Il s'était ainsi créé une niche dans le monde des communications.

    À mon sens ça reste anecdotique car lorsqu'il fut en position pour agir (ministre), ses atouts furent bien sûr mis au service des résultats électoraux partisans, à sa survie en tant que politicien, rien à voir avec l'instauration de politiques favorables au public. On le surnommait "kid Kodack" pour sa tendance à se faire photographier auprès de personnages connus et populaires.

    Après sa carrière politique, l'homme replongea dans son domaine de prédilection: les potins et cancans politiques canadiens et québécois. Apprécié du grand public, il peaufina son image et ses cotes d'écoute en se baladant dans les centres commerciaux et autres lieux publics. Lors de campagnes électorales il se déplaçait dans un autobus à son effigie, devenant ainsi plus populaire que les candidats eux-mêmes (rire). Il donnait rendez-vous aux électeurs dans des restos ou brasseries de villages. On a ensuite eu droit à un commentateur sportif qui faisait de même pendant les séries éliminatoires de hockey, rassemblant ainsi des tas de gens qui avaient l'impression de prendre part à la chose. L'animateur devint lui aussi, dans une moindre mesure, une attraction médiatique et se créa une sorte de fan-club.

    Lapierre est mort dans un accident d'avion en compagnie de son épouse et de trois de ses frères er sœur alors qu'il se rendait dans sa région natale pour assister aux funérailles de son père. Il aura terminé sa vie comme il l'a vécue, d'une façon particulière et spectaculaire! C'est peu dire.


    Anonyme (vous devez certainement avoir un nom!),

    Je ne crois pas que TOUS les politiciens sont du même acabit. Les journalistes font effectivement des nouvelles en fonction de l'effet que ça peut avoir sur les lecteurs ou les auditeurs mais en bout de ligne, c'est NOUS qui sommes attirés par le spectacle, c'est à nous de sélectionner ce qui vaut la peine d'être considérer.

    Grand-Langue

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  7. J'avoue que j'aimais toujours entendre les commentaires de Jean Lapierre. J'avoue aussi que je les trouvais souvent superficiels. J'admets que je trouvais qu'il ne m'impressionnait pas du temps où il était au parti Libéral.

    Je l'ai découvert sous un autre jour beaucoup plus sympathique à travers les commentaires entendus après sa mort. J'ai eu l'impression qu'il était accepté dans tous les milieux et que tout le monde était honoré d'échanger des confidences avec lui. Ce qui m'a le plus frappé, c'est la transformation de l'image et des perceptions après la mort d'un ami ou d'une célébrité.

    C'est tout de même intéressant cette façon honnête et originale que tu as de t'exprimer à contre-courant.

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  8. Salut Jackss,

    Merci pour ton commentaire, il y a longtemps qu'on ne s'était écrit.

    En ce qui concerne Lapierre, les gens qui vivent dans mon entourage (les pauvres!), savent que les potins de Lapierre m'irritaient, l'animateur était distrayant, talentueux même. Sauf que, quand la pluie de louanges au sujet de "l'homme le plus renseigné au Québec" a débuté j'ai ressenti le besoin de faire contrepoids.

    Quand les enjeux étaient majeurs et qu'il arrivait avec ses potins, presque toujours reliés aux votes, cela m'énervait. Habile sur ce plan, il a toujours été élu et réélu mais en fin de compte, quel furent ses grandes réalisations?

    Je me souviens qu'à son époque, on parlait des frasques de la gouverneure générale. Il rigolait avec ça mais les « politicailleurs » n'ont absolument rien fait, on ne touche pas à la reine et à sa représentante. Par contre, une fois à la radio, là où il faut divertir, il s'en donnait à cœur joie, d'une drôle de façon, j'en riais moi aussi.

    C'est cette nuance que je voulais apporter. Je ne doute pas qu'il fut ami et apprécié de tous les partis. Sur le plan personnel, l'homme était chaleureux, j'en suis certain, mon billet traitait d'un autre aspect.

    Grand-Langue

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  9. Grand-Langue,

    Je suis totalement d'accord avec tout ce que tu exprimes.
    Ce que tu dis, il fallait le dire!

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  10. Je suis d'accord moi aussi, il fallait apporter cette nuance dans le tableau magnifié des éloges qui ont suivi son décès et jusqu'à maintenant, vous êtes le seul que j'ai entendu en parler aussi franchement. C'est rafraîchissant!

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  11. Dommage que ce point de vue n'ait pas été soulevé alors que Jean Lapierre était de ce monde et actif à la radio. Certains matins, Paul Arcand lui-même ridiculisait les détails superficiels plutôt que de traiter de l'essentiel, avec tout le tact qu'on lui connaît. Ça n'allait pas plus loin.

    Grand-Langue

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